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Licencier pour « faute grave » un salarié en arrêt pour accident du travail ? Encore faut-il l'écrire...

Le salarié arrêté pour accident du travail peut uniquement être licencié pour des motifs limitativement énumérés, dont la « faute grave ». Cette mention doit expressément être indiquée dans la lettre de licenciement, elle ne peut pas se déduire des seuls faits mentionnés dans la lettre de rupture.

Protection du salarié en arrêt pour accident du travail

Lorsqu’un salarié est en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, il est interdit de le licencier sauf pour (c. trav. art. L. 1226-9) :

-faute grave ;

-ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident.

L’employeur qui licencie le salarié arrêté doit explicitement indiquer le motif du licenciement. Ce motif ne peut pas uniquement se déduire des faits tels qu’ils sont énumérés dans la lettre de licenciement.

À défaut, le licenciement est nul.

Une décision rendue le 20 novembre 2019 illustre parfaitement  cette règle.

Un salarié licencié sans indication expresse de la « faute grave »

Dans cette affaire, un salarié avait été arrêté à la suite d’un accident du travail. Il avait ensuite été licencié pour absence injustifiée.

Dans sa lettre de licenciement l’employeur lui reprochait : « Malgré nos précédents courriers vous êtes une nouvelle fois en absence injustifiée ce jour car votre dernier arrêt de travail s’arrêtait au 5 août 2014. Votre attitude est négligente et préjudiciable car cela fait plusieurs fois que vous ne vous présentez pas au travail sans motif et sans justificatif. Ceci est inadmissible et porte atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise. Étant obligé de vous remplacer, nous vous signifions votre licenciement à réception de cette lettre ».

La lettre de licenciement, telle que rédigée, n’indiquait pas expressément qu’il s’agissait d’un licenciement pour faute grave.

Le salarié avait donc saisi les juges d’une demande de nullité de son licenciement. La cour d’appel avait néanmoins écarté sa demande et déduits des faits reprochés dans la lettre de licenciement que l’employeur soutenait à juste titre l’existence de la faute grave, ce qui légitimait le licenciement prononcé pendant la période de suspension du contrat.

La Cour de cassation censure cette décision car il résultait des termes même de la lettre de licenciement que l’employeur ne reprochait pas au salarié une faute grave.

Il aurait ici fallu, en pratique, que les termes de « faute grave » apparaissent expressément dans la lettre de licenciement. Les juges ne pouvaient pas considérer que les faits reprochés caractérisaient nécessairement une faute grave (cass. soc. 20 décembre 2017, n° 16-17199, BC V n° 224, dans une affaire où l’employeur avait uniquement employé les termes de « cause réelle et sérieuse »).

De manière plus générale, la lettre de licenciement fixe les limites du litiges (c. trav. art. L. 1235-2). L’employeur ne doit pas uniquement détailler les griefs retenus mais il doit aussi les « catégoriser » en faute grave, cause réelle et sérieuse, etc.

Cass. soc. 20 novembre 2019, n° 18-16715 D